APPEL À CONTRIBUTIONS

L’enseignement à distance au Supérieur : Modèles, dispositifs et perspectives

Laboratoire Approches du Discours
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université de Sfax

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Argumentaire

L’enseignement à distance (désormais EAD), terme qui désigne tout processus d’enseignement-apprentissage où enseignants (formateurs / tuteurs) et étudiants (apprenants) sont éloignés géographiquement et où ces derniers gèrent de manière quasiment autonome leur activité, n’est pas nouveau mais connaît actuellement un regain d’intérêt en cette période de confinement consécutive à la pandémie de Covid-19. Cette crise sanitaire vient en effet mettre au centre des débats et des réflexions la question de l’EAD, une expression devenue communément l’équivalent, à tort ou à raison, de l’anglicisme « e-learning ».

La fermeture des institutions universitaires et l’instauration du confinement en vue d’endiguer le coronavirus conduit les enseignants à s’interroger sur la façon d’assurer la « continuité pédagogique » dans la perspective d’une reprise (hypothétique) des cours en présentiel, voire à repenser leurs pratiques, en s’appuyant davantage sur le numérique. Alors qu’ils n’y étaient pratiquement pas prêts, certains établissements de l’enseignement supérieur sont contraints de basculer de manière quasiment inédite dans le monde de l’EAD.

En Tunisie, par exemple, la décision de suspendre les cours en présentiel, les stages et les projets de fin d’études est accompagnée par un appel ministériel à assurer un enseignement en ligne et un accompagnement pédagogique à distance sur les plates-formes de l’Université virtuelle de Tunis (UVT) ou via d’autres plates-formes d’apprentissage dédiées aux établissements éducatifs, comme didousoft, une plateforme numérique développée pour les instituts supérieurs d’études technologiques (ISETs).

Cet appel a entraîné des remous au sein des communautés enseignante et étudiante et a suscité des controverses, parfois houleuses, sur les réseaux sociaux entre ceux qui s’y sont aussitôt appliqués et ceux qui, pris au dépourvu ou invoquant la question de l’équité de l’accès aux études à distance, s’y sont opposés vivement. Cette actualité nous incite à dépassionner le débat et nous amène à proposer un appel à contributions pour un ouvrage collectif afin de dresser un nouvel état des lieux de la question de l’EAD, du point de vue des politiques éducatives, sous l’optique de l’avancée de la recherche et du côté des démarches innovantes et des pratiques émergeantes.

Les propositions de contributions s’inscriront dans l’un des trois axes suivants :

Axe 1 : Modèles, méthodologies et modalités

L’EAD a déjà franchi le seuil de sa sixième génération grâce à l’essor des technologies informatiques et aux multiples possibilités qu’offre le Web. Quelles sont les technologies qui ont permis une évolution rapide des modèles de formation à distance en général et dans l’enseignement supérieur plus particulièrement ? Quels sont les changements notoires qui ont marqué les principaux tournants dans l’histoire de l’EAD et qui en ont façonné les modèles successifs ? Que pouvons-nous attendre de l’intégration du numérique dans l’enseignement supérieur ? Quels en sont les défis et les opportunités ? Plus précisément, quels sont les fondements techniques et idéologiques des Massive Online Open Courses (MOOCs), un modèle du « e-learning » qui rencontre un grand succès au cours des dix dernières années ? Comme ces « artefacts numériques » qui entendent révolutionner la formation universitaire permettent un EAD pouvant concerner plusieurs milliers d’étudiants simultanément, peut-on d’ores et déjà parler du début de « la fin des amphis » ?

Mais à la base des choix technologiques, il y a aussi des options méthodologiques témoignant, de manière plus ou moins explicite, de la culture propre à chaque contexte, à chaque université et même à chaque établissement. Alors, dans quel(s) paradigme(s) s’inscrivent les recherches problématisant la notion de distance en rapport avec l’enseignement, la formation, l’accompagnement et l’apprentissage ? Ces recherches sont- elles de facto sous tension d’indicateurs bibliométriques entre un nombre élevé de productions scientifiques dans le monde anglophone et un nombre de publications beaucoup moins important dans les espaces francophones et arabophones ?

Enfin, comment peut-on prendre en compte les questions relatives à la propriété intellectuelle des contenus pédagogiques mis en ligne ? Ces contenus sont-ils protégés sur Internet ? Jusqu’à quel point peut-on (ré)utiliser des données protégées par le droit d’auteur dans le cadre de ses enseignements à distance ? Quelles sont, par ailleurs, les modalités et les pratiques évaluatives des apprentissages à distance en contexte de formation universitaire ? Corollairement, quelles sont les méthodes et les stratégies employées pour évaluer les dispositifs d’EAD, susceptibles d’admettre différentes formes de scénarisation pédagogique en fonction des contenus de formation à transmettre et des modes de diffusion de l’information à mettre en œuvre ?

Axe 2 : Dispositifs, outils et pratiques

Les conditions de conception d’un EAD sont très variées, tant les variables qui orientent et infléchissent les dispositifs sont multiples. Comme la finalité d’un dispositif repose sur une stratégie définie par une équipe enseignante en réponse à une situation de formation spécifique, faut-il privilégier une approche plus didactique ou plus sociologique pour évaluer l’intégration des dispositifs de type FOAD (formation ouverte et/ou à distance), et plus particulièrement des formations hybrides, au sein d’établissements d’enseignement supérieur ? Comment accompagner enseignants et formateurs dans la conception et le pilotage d’une formation en ligne et dans la mise en place de dispositifs techno-pédagogiques à valeur ajoutée pour l’apprentissage ? Quels sont les besoins, les attitudes et les prédilections des usagers de ces dispositifs ? Quels aspects psychoaffectifs peuvent déterminer les relations enseignant-enseignés en ligne ? Quel rôle du tutorat et des espaces collaboratifs à distance dans ce type de formation ?

Mais avant tout, de quelles plateformes (Learning Management System) se servir et avec quelles normes et quelles fonctionnalités (échange, ingénierie, création des contenus, suivi, activités, gestion administrative, etc.), quels environnements numériques de travail choisir ? Quelles interactions mettre en place pour rendre les apprentissages réalisables ? Quels outils (de navigation, d’information, de communication, de formation, de gestion, de collaboration et de planification) utiliser pour médiatiser ces interactions et étayer ces apprentissages ? Quelles méthodes et pratiques pédagogiques à distance mettre en œuvre lorsque les échanges en présentiel sont empêchés inopinément et pour de longues périodes, comme c’est le cas aujourd’hui à cause de la crise sanitaire du coronavirus ?

Puisque le numérique fait désormais partie des usages et pratiques pédagogiques en formation universitaire, il sera dons question de cerner et d’analyser les nouvelles pratiques en rapport avec les usages de ressources numériques dans l’enseignement supérieur. Il s’agira surtout de définir la manière dont les enseignants mobilisent, traitent, créent, intègrent, retransmettent et valorisent ces ressources, particulièrement éducatives (pédagogiques, méthodologiques, brutes, en accès libre ou sous licence), mais pas uniquement, dans leurs enseignements en ligne.

Axe 3 : Perspectives pour les langues et les humanités

Les mutations profondes que connaissent actuellement les universités sous la pression de la concurrence internationale et des classements mondiaux ne sont pas sans conséquences sur leurs offres de formations académiques, surtout celles assurées en partie ou totalement à distance et médiatisées par les technologies numériques. Si l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) n’est pas nouveau dans les universités du monde entier, il n’en reste pas moins vrai que l’implantation, le développement et la généralisation de l’EAD et a fortiori de l’e-formation (ou la formation à distance, FAD) constituent des enjeux de taille pour les parcours universitaires des pays du Sud, surtout dans le domaine de l’enseignement des langues et des humanités.

Certes, l’enseignement-apprentissage des langues a constitué, depuis quelques décennies déjà, l’un des secteurs les plus entreprenants en matière d’EAD. Mais, au Supérieur, les enseignants-chercheurs gardent souvent une posture de « transmission frontale » des connaissances, avec la figure surplombante du cours ex cathedra. Comment peut-on alors dépasser la tension qui existe entre, d’un côté, une tendance propice aux évolutions découlant du développement de l’usage des outils numériques ainsi que des pratiques enseignantes qui en résultent et, de l’autre côté, un système en place peu favorable aux changements d’ordre pédagogique et organisationnel ? Quels rôles peuvent jouer, par exemple, les centres de ressources en langues (CRL) dans une nouvelle configuration de l’enseignement des langues à l’université ?

De manière générale, comment peut-on dépasser la question récurrente et contre- productive de la « numérico-compatibilité » des disciplines humaines (linguistique, littérature, civilisation, histoire, sociologie, psychologie, etc.) ? Les humanités numériques (digital humanities), appréhendées comme un champ hétéroclite et résolument pluri(trans)disciplinaire, voire une nouvelle discipline universitaire, sont-elles en mesure d’insuffler un esprit nouveau dans l’enseignement des sciences humaines et sociales à l’université et réussir ainsi la « transition numérique » ? En fin de compte, comment peut-on créer une synergie entre informaticiens travaillant dans le domaine des environnements informatisés pour l’apprentissage humain (EIAH), spécialistes des langues (linguistes, didacticiens, etc.) et des humanités pour la conception et l’implémentation, parfois dans l’urgence, de dispositifs d’enseignement et de formation en distanciel pouvant faire face à des situations de crise comme celle que nous traversons actuellement ?

Nature des contributions attendues

Le contexte tunisien n’étant qu’un exemple illustratif de la problématique de l’EAD et un point de départ de la réflexion sur la question, nous souhaitons inscrire ce volume dans la diversité des contextes d’intervention, couvrir un large panel de situations d’enseignement et de formation à distance se rapportant à un nombre varié de disciplines universitaires. Le volume accueillera deux types de contributions en français ou en anglais : Des articles de recherche, portant sur des développements conceptuels et méthodologiques : études de cas, description critique de plateformes, analyse de pratiques enseignantes. Des récits et comptes rendus d’expériences : analyses d’activités et de tâches comportant des aides, diverses formes d’accompagnement ou d’étayage apportés aux étudiants pour construire leurs apprentissages en ligne.

Bibliographie indicative

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